j’habite à la campagne
je n’ai ni père ni mère
ni prénom, ni nom, ni rang
les gens m’appellent Chang ou bien Wang
nul ne me prodigue de conseils
d’ordinaire pauvre et humble
mais chérissant la sincérité de mon cœur,
solide comme un diamant
à l’aise au milieu des nuages blancs, oisif
la montagne depuis toujours n’appartient
à personne
la descente est vertigineuse, il faut s’appuyer
à un bâton
la montée pénible, on s’accroche aux lianes
au fond des ravins, des pins de jade éternels
au bord des torrents, des rochers naturellement
mouchetés
de mes amis je suis séparé pourtant,
le printemps arrive, les oiseaux chantent
mille naissances, dix mille morts,
combien de vies?
vie et mort vont et viennent,
semant la confusion
tant qu’on ignore le précieux trésor
au fond de notre cœur
on ressemble à une mule aveugle qui avance
guidée par ses propres jambes
quand on fait preuve de volonté, celle ci
ne saurait se laisser plier
comme si c’était une natte
je déambule au milieu des montagnes
et des forêts
seul, je m’allonge sur un rocher plat
un messager officiel persuasif vient
pour me convaincre,
me sommant sur le champ d’accepter de l’or
et du jade
à creuser dans un roc pour y faire pousser
des ronces,
à coup sûr on perd son temps
ma maison se trouve sur la Terrasse du ciel
sur le sentier des nuages les brumes sont épaisses,
peu de gens s’y aventurent
les parois rocheuses de mille toises sont propices
pour se retirer,
au milieu de mille cours d’eau
et de terrasses pierreuses
un bonnet en écorce de bouleau, des sabots
en bois, je longe les rives
un manteau en bure, une canne en chénopode,
je contourne les montagnes
j’ai réalisé que la vie est flottante et les affaires
de ce monde illusoires
vivre libre et joyeux est vraiment merveilleux